Se laisser porter par le bruit du train...
A partir d'un enregistrement de bruits de train, écrire un texte libre sur ce qu'ils évoquent.
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Elle ferme les yeux. Et le train magicien ouvre les cordes du temps.
Il est le serpent primordial qui a créé le monde.
Sous ses yeux naissent la terre, le ciel, les champs, les arbres, l'horizon, les villes, les villages, les
collines, les maisons, et les gares et les chemins et les vaches aux grands yeux étonnées et les
moutons, et les chevaux et les oiseaux.
Et tout se fond, se mélange, se répond, file à toute allure.
Elle ne pense à rien Elle se laisse porter. Elle se laisse bercer..Elle se laisse emmener.
Elle flotte dans le ventre du reptile qui l'emporte.
Tout est blanc, la terre et le ciel. Seuls quelques corbeaux ponctuent de noirs les champs enneigés.
Dans leur gangue de givre les arbres prient le ciel qu'un clocher ça et là déchire.
Elle oublie tout, et le jour et l'heure, et le mois, l'année. Et l'hiver , pourtant si beau à voir au chaud
derrière la vitre.
Elle rêve d'un voyage qui ne finirait pas.
Laurence Benedetti
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Comment les choses ont-elles pu en arriver là ? Elle se le demande encore, bien des années après.
Ils étaient encore petits. Quel âge ? Moins d'une dizaine d'années, huit et neuf ans, sans doute.
Elle devait les mettre au train pour les envoyer huit jours chez sa sœur France en Normandie.
Ils y montent tous trois, elle les installe. Ils sont heureux de partir. Elle s'attarde auprès d'eux, bavarde, regarde les gens et oublie tout : le lieu, l'heure, le temps.
La porte se ferme d'un claquement bref. Elle n'a pas sauté. Elle est dans le train. Prisonnière...