mardi 19 juillet 2011

RETROUVER UN AMI D'ENFANCE

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                             RETROUVAILLES 

-         Tu me reconnais ?
-         Oui.
-         Quand même ?
-         Oui.
-         Ce que nous sommes devenues.
-         Oui.
-         Ce n’est pas beau  à voir.
-         Non.
-         Tu te souviens, il y a trente ans ?
-         Quarante.
-         Ah oui. Quarante.
-         De tout ?
-         Quoi, de tout ?
-         Je me souviens de tout. Tes boucles blondes.
-         Je n’ai plus de cheveux.
-         Je vois.
-         Ce n’est pas beau.
-         Non.
-         Tu dis toujours oui ou non.
-         Oui. Et toi ?
-         Quoi, moi ?
-         Ce que tu es devenue.
-         Bof.
-         Quoi bof ?
-         Irracontable.
-         Mais encore ?
-         Tous morts.
-         Tous ? ton mari ?
-         Oui. Pas une grosse perte.
-         Tes …
-         Si. Enfin, comme si.
-         Comme  si ?
-         Y a des vies pires que la mort.
-     Mais tu…
-     C’est comme ça. Rien à faire.
-     Tout s’use. Même les sentiments.
-      Surtout les sentiments.
-      Oui.
-      Ca résiste pas au temps.
-      Le salaud.
-      Qui ?
-      Le temps.
-      Je suis prête. Je l’attends.
-      Qui ?
-      Le néant.
-      Tu ne crois en rien ?
-      Non, heureusement. Et toi ?
-      Je ne crois pas.
-      On se reverra ?
-      Pour parler du bon vieux temps.
-      Faut qu’on se grouille.
-      Oui.
-      J’ai tout oublié.
-      Mais tu m’as dit que …
-      Sauf tes  boucles blondes.
-      Ah bon ?
-      Oui. Je t’aimais, à l’époque.
-      Tu te moquais de moi, pourtant.
-      Oui.
-      De ma peau blanche.
-      Oui.
-      De ma timidité. Pourquoi ?
-      Comme ça. Chacun tue ce qu’il aime, comme dit le poète.
-      C’est fini, tout ça. On n’emporte rien dans la tombe.
-      Moi, si.
-      Quoi ?
-      Le souvenir de…
-      Quoi ?
-      Tes boucles blondes.
      Bernadette Behava
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Ami d’enfance. Elle n’a pas d’ami d’enfance.
Elle a beau chercher au plus profond de sa mémoire, rien, pas la moindre.

Elle ne sait pas trop pourquoi. Sans doute quelque chose qui a manqué ou qui était de trop.

Elle aurait aimé pourtant. La complicité. Les rires. Les trucs de fifilles.
Elle voyait les autres. Toujours par 2 ou par 3.

Elle a essayé. Elle s’est accrochée à un duo. 5, 6 allers-retours à l’école et puis rien à dire, rien à partager. Elle marchait à côté, écoutait. Elle a vite compris qu’elle n’avait pas sa place. Elle a abandonné.

Alors, elle s’est cramponnée à sa solitude.
Il lui semblait que c’était plus confortable.

C’était sans compter les questions qui restaient sans réponse.
Qui elle était, pour ne pas avoir d’amie, pour que personne ne s’approche d’elle?
Qui était-elle pour que tout reste au dedans ?


Zéro réponse. Évidemment.
Rentrer seule. Pas d’invitation. Pas de coup de fil. Faire avec.

Laure Stichelbaut


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