jeudi 3 février 2011

D'APRES "LES DEUX FRIDA"





Rédiger un texte à partir de ce que vous inspire ce tableau de Frida Khalo.












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Le ciel est de traîne. C’est après l’orage… ou avant. Qui sait ?
Le temps est lourd. Chargé.

Elle est comme ça, ma mère. Voute céleste plombée.

Nous avons des traits  en commun. Les liens du sang.
Quand on m’en fait la remarque, je déteste.
Alors quand on en vient à ajouter en toute impunité que j’ai  la même voix ou le même rire, j’ai des envies de meurtre.

Elle me tient encore et toujours. Elle ne lâche rien.
Ni la main, ni le cœur ; elle nous a branchées.
Cathéter des deux côtés. Perfusion permanente.
Elle s’entête. Elle m’abreuve. Ça l’enivre.
Je ne veux pas me remplir d’elle. Elle me dégoute.

Alors quoi ?
Avec tous ces branchements je ne peux plus broncher. Il faut rester impassible au risque de tout faire péter. C’est médical.
Mais c’est que je m’engourdis ! Peut-être appeler le 15 ?
Bonsoir … voilà je suis coincée… Ma mère en perfusion … et elle en veut encore et encore…
Non.

Alors quoi ?
La météo n’est pas fiable. Ensoleillement maximum et paf … la dépression se creuse et on prend une rincée. Force 7 à 8 échelle Beaufort  et hop … la houle se fait légère, pas de bouillon.
Méfiance.
Il va falloir y aller tout doux. Se mettre en mouvement discrètement. Donner du mou. Lâcher du lest.
Il va falloir en découdre. Tirer le fil et détricoter.
Donner de l’ampleur et ne rien laisser paraître.
Sinon c’est la paralysie qui me pend au nez.

C’est qu’elle est raide, ma mère.
On peut difficilement la berner. Ses yeux, ils font peur. Elle contrôle tout avec.
C’est comme d’être perfusée, elle est persuadée que cela suffit à son hégémonie. Remarquez,  en même temps, ça marche.

Alors quoi ?
J’attends une occasion. Un relâchement. Le jour où la veine ne supportera plus, il faudra piquer ailleurs. Réinstaller toute la tuyauterie.
Je serai prête. Un branchement défectueux et de mon côté, cela perlera insidieusement goutte à goutte.
Sa sève s’écoulera en dehors de moi.

Elle se videra.

Pluviomètre à zéro. Système anticyclonique établit.
À moi les petits effluves cotonneux chassés par le vent et les cieux lumineux.
Le soleil restera au zénith.

Laure Stichelbaut

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On croit que ça va durer toujours.
On trouve ça plus fort que l'amour. Et un jour, on se rend compte que...

Première amie : Marie-Claude

Je suis assis sur la chaise paillée. Elles sont dans le chœur, en face de moi. Elles chantent. Elles ont toutes le même vêtement consacré. Je cherche mon ami parmi elles. Avec difficulté. Elle est de l'autre côté de la grille.
Je la vois enfin qui s'avance, les bras écartés. Elle se prosterne, la face contre terre, psalmodiant des phrases en latin.
J'ai des lunettes noires. Je pleure. Je sais que je l'ai perdue. Je le regrette d'autant plus que, fraîchement divorcée, toute heureuse de ma nouvelle liberté, j'avais projeté un voyage avec elle.

Deuxième amie : Jacqueline

Elle m'a fait peur, quand elle m'a montré des photos d'hommes dans l'avion.
"Les voilà, ce sont eux." À l'hôtel où nous étions, dans la petite île grecque, elle se taisait pour écouter à travers les murs.
-         Tu les entends ? Ils parlent de moi. Ils m'ont poursuivie jusqu'ici.
Le lendemain, elle interrogea la gérante : aucun français n'avait dormi ici la nuit.
Elle me traîna au commissariat où je dus traduire en anglais ses incohérences :
-         On me poursuit. En France, je suis une VIP, vous comprenez.
La terreur me fit l'abandonner. J'avais tout ce qu'il me fallait à la maison comme dérèglements.
Je ne répondis jamais plus à ses appels.

Troisième amie : Lydie

Elle habitait Chablis. Je m'y rendais avec plaisir, retrouvant enfin ma Bourgogne, ses feux de bois et ses forêts. Partager avec elle un poulet cuit à la braise était un enchantement et je me laissais bercer par sa voix aux accents traînants. J'ai toujours été une bonne confidente.
-         Tout le monde me déteste ici. Ils m'appellent la sorcière parce que je suis toujours pieds nus et que je ne me coiffe jamais.
Elle me regardait en riant à travers son fouillis de cheveux. Je ne voyais pas ses yeux. Elle vivait dans une pièce incroyablement sale. Beaucoup d'animaux vaquaient librement. On mangeait par terre.
-         Je sais ce que les gens pensent. Mais s'ils connaissaient mes pouvoirs ! Je vois à travers les murs.
Elle m'avoua avec feu que le plus grand restaurateur du coin était amoureux d'elle. Il l'avait embauchée et :
-         Tu te rends compte, je lui ai nettoyé son énorme frigo. C'était la première fois qu'il le voyait propre;
Elle me traîna dans son restaurant gastronomique – Mais Lydie, c'est trop cher ! -, me promettant qu'il nous offrirait forcément le dîner.
-         Il veut se marier avec moi. J'ai vingt ans de plus que lui mais l'âge ne compte pas entre nous.
Au restaurant, l'homme nous servit, sans familiarité aucune, regardant à peine Lydie. C'est ce soir-là qu'elle me proposa de traverser le miroir.
À la fin du repas, le restaurateur nous présenta la note. Je ne dis rien, payai, nous sortîmes. Dans la nuit campagnarde, Lydie parlait aux étoiles.
Je rentrai chez moi comme si j'avais le feu aux trousses. Je ne revins plus jamais à Chablis.

Quatrième amie : Hélène

Hélène me reçoit toujours quand son mari est là. Je ne le vois pas forcément à chaque fois. Je découvris sa présence dans la pièce à côté parce qu'un jour, dans une conversation, elle l'interpella pour qu'il confirmât ses dires :
-         N'est-ce pas, Guy ?
Il répondit aussitôt. Je sursautai.
-         Oh, ne fais pas attention, tu sais, il n'écoute jamais ce que l'on dit.
J'ai peu de goût pour les maris ou les compagnons de mes amies.

Conclusion

Il m'avait dit un jour, mon deuxième mari :
-         Je ne sais pas pourquoi, mais tous les gens que tu fréquentes sont barges. Tu es entourée de fous. Tu dois être maso.

De quoi vous faire réfléchir, en effet.

Bernadette Behava

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