Évocation de la vie et de l'œuvre d'Odilon Redon, auquel une exposition rend actuellement hommage au Grand Palais, des "noirs" aux lumineuses visions des dernières toiles.
Écrire un texte en résonnance avec le tableau "Les yeux clos".
..........................................................................
Incantations
Étranges visages déformant l'eau dans les berges de la nuit d'où s'envolent les monstres ailés de l'aube,
Horreurs surgies des profondeurs marines, sources alcalines des délires houleux de mes nuits sans lune,
Transfigurations invisibles des membres tordus, perdus dans les brumes luminescentes des opalescences vertes,
Déités sans visage et sans yeux surgies de mes cauchemars somnambuliques nauséeux et violets,
Regards ployés, plongés dans le vide des royaumes de boue et de lactations défuntes, où des terres arides affleurent des ombres cornues aux griffes innombrables,
Obscures flamboyances, déesses bleue et or suçant la mort dans le berceau des songes,
Pâles visages des morts intranquilles perdus dans l'éther de l'au-delà des rêves, pustuleuses arborescences des corps suintant de vers dans les ténèbres fumantes des cavernes marines,
Gouffres souterrains où gisent des blanches entités, labyrinthes putrides de ma mémoire d'alambic noir,
Obscurs territoires où cristallisent les ombres rejetées, déployant de subtiles magnificences non rachetées par la beauté des songes,
Ô puits sans fond de l'errance insatiable des sortilèges, profondeurs hurlantes où passent les oiseaux lugubres de l'azur strié de rouge,
Sanguinolences féeriques où je me perds sans espoir de réveil...
Bernadette Behava
...................................................................................................................
Les yeux clos
La fièvre monte. Rien à faire pour rafraîchir ce front brûlant, si ce n’est tremper la malade dans l’eau. Le visage se détend, les tremblements cessent, la respiration se calme ; les yeux se ferment alors délicatement sur les hallucinations fébriles. Seul un vague murmure franchit les lèvres closes, nous assurant qu’elle est encore un peu parmi nous.
Derrière les paupières surgissent les chimères grimaçantes. Venues de nulle part des formes s’enroulent, s’élèvent, se renouvellent sans cesse, entraînant la malade dans un univers de monstrueuses bulles noires.
Peu à peu elle est absorbée par ses visions, elle est une de ces bulles, elle se détache d’elle-même, s’élève dans la fournaise, se déforme, se gonfle, se tord, s’enroule dans une ascension sans fin qui ressemble à une descente aux enfers.
Elle est terrifiée par les créatures qu’elle croise mais ne réussit pas à ouvrir les yeux pour leur échapper. Elle ne sait pas pourquoi elle a peur : les formes sont douces et ondulantes, les figures paisibles mais elle est angoissée par ce mouvement qui enfle sans jamais reprendre souffle. Elle sent ses yeux rouler au fond des orbites, c’est d’eux que jaillit cet univers fantastique dont elle est captive.
Comment dira-t-elle ce voyage qu’elle a tant de mal à se représenter une fois la fièvre tombée ? Les mots eux même s’enroulent, se déforment, puis se détournent des formes qu’ils échouent à décrire.
Françoise Bourdon
.....................................................................................................................
Adaptation poétique des Yeux clos de Françoise Bourdon
Les yeux clos
Fièvre
Front brûlant
Se tremper le visage
Dans l'eau
Détente
Fin des tremblements
Yeux délicatement
Fermés
Hallucinations fébriles
Murmure sorti des lèvres
Closes
Elle est encore un peu
Parmi nous
Derrière ses paupières
Surgissent les chimères
Grimaçantes
Venues de nulle part
Des formes s'enroulent
S'élèvent se renouvellent
Sans cesse
Univers de monstrueuses
Bulles noires
Absorbée par ces visions
Elle devient bulle
Se détache d'elle-même
S'élève dans la fournaise
Se déforme se tord
Se gonfle et s'enroule
Ascension sans fin
Terrifiante descente
Aux enfers
Comment échapper
Aux créatures croisées
Ses yeux restent clos
Mais pourquoi la peur
Forme ondulantes et douces
Figures paisibles
Angoisse du mouvement
Qui enfle sans jamais
Reprendre souffle
Ses yeux roulent
Au fond des orbites
D'eux jaillit
Cet univers
Dont elle est
Captive
Comment dire ce voyage
Qu'elle oublie
La fièvre partie
Les mots s'enroulent
Se déforment
Puis se détournent
Des formes qu'ils ont échoué
À décrire
Bernadette Behava
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire