lundi 21 mars 2011

SUITE - PUSH DE SAPPHIRE

Ecrire une suite possible à l'extrait ci-dessous, en respectant le style et le niveau de langage.

Toute la classe se tait. Tout le monde me mate. Faut surtout pas que je chiale. Je respire par le nez, un grand coup, pis je me mets à marcher doucement vers le fond. Mais un machin comme des oiseaux ou une lumière me vole à travers le coeur. Et mes pieds s'arrêtent. Au premier rang. Et pour la première fois de ma vie je m'assieds au premier rang (et ça c'est bien parsque du fond j'ai jamais pu voir le tableau). J'ai pas de cahier, pas de thune. Ma tronche est une piscine olympique. Toutes les années, les mois flottant vissée collée honteuse à des pupites pendant que la pisse en flaque s'agrandit à mes pieds. Putain peut bien y avoir pas personne qui le sait, ma vie, mais c'est pas de la tarte pour moi d'être ici dans ct' école. Je regarde par en dessus la tête à la prof le mur. Y'a une photo d'une petite dame toute noire avec une tronche de pruneau et sapée comme dans l'ancien temps. Je me demande qui c'est. La prof à son bureau qu'écrit dans le registre des présents, elle a une robe violette et des baskets. Elle est très noire avec une belle gueule, des grands yeux et des tifs comme j'ai déjà dit. Ma mère aime pas les nègres qui se coiffent comme ça ! Ma mère dit que Farrakhan est pas mal mais qu'y va trop loin. Trop loin où ça que je voudrai y demander. Moi je sais pas ce que je pense des gens qui se coiffent comme ça.

Push de Sapphire, p. 58
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RETOUR DE L’ECOLE
Je me demande c’que je vais raconter à ma mère, je sais pas dire ce que je pense de cette école. C’est trop dur quand c’est nouveau. Parce que dans ma pauvre tronche y’a trop de vieux trucs qui m’engluent ; ça m’empêche de respirer et ça m’oblige à pas comprendre ce qui s’passe.
J’peux même pas lui dire que je m’suis posée au premier rang ça la f’rait marrer.
J’lui ai jamais dit le machin qui me vole des fois à travers le cœur elle m’prendrait pour une tarée. Pourtant c’est peut-être le seul truc de bien de ma putain de vie. C’est pas souvent que je les ai vus ces oiseaux mais chaque fois y m’ont fait un peu légère. Ça m’fait chialer de m’sentir scotchée à ma putain de vie. C’est pas de la tarte de vouloir s’en sortir.
Les autres filles j’les ai pas trop vues. Je m’demande c’qu’elle font là. J’aime pas qu’elles me regardent. Je sais pas si j’ai envie d’être avec elles.

 Françoise Bourdon
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Pas d'illuse à s'faire, c'est pas ici que je m'ferai des copines. Y'a qu'à les regarder me reluquer. Je me demande ce qu'a pensent. Même pas difficile à imaginer.
Qu'est-ce que j'fous dans cette classe.
La prof à son bureau dont j'ai causé arrive. Putain pourvu qu'a n'm'ait pas dégoisé queque chose. Ma tronche est pleine fromage blanc, ça va couler.
Si ça s'trouve, y va y avoir du spectacle. Regretteront pas d'être venus.
Ma mère dirait aie pas peur y vont pas te bouffer toute crue. D'ailleurs, ça passerait pas, ah, ah, ah.
Je regarde la photo sur le mur mais on peut pas dire que la p'tite dame noire m'aide beaucoup.
Je m'essuie les mains sur mon fute. C'est pas d'la tarte. Ça y est la prof ouvre la bouche, je vois du noir et du rouge, du blanc qui brille. A m'cause. Il pourrait bien en sortir du sang, des cailloux, de l'eau, ce serait du pareil au même. Les autres se poilent dans mon dos.
J'aurais dû faire marcher mes pieds au fond, je serais collée le dos au mur, j'préfère. J'aurai la prof devant moi comme sur un écran panoramique, pas en gros plan.
J'aurias pu repérer les p'tits malins et leur faire leur fête plus tard. I z'auraient vu qu'i faut pas s'foutre de ma gueule et que j'sais m'battre.
Je commence à m'énerver, tout ça mal à l'aise je suis coincée bordel.
Ma mère dirait que je suis une connasse, des trucs bizarres je sens dans mes oreilles, en fait j'entends plus rien. Je vais encore faire des flaques comme avant. J'sais pas m'ret'nir quand la honte arrive à vitesse petite, ça m'fait ça à chaque fois, j'peux pas m'ret'nir.
Qu'est-ce que je fous là. La main noire de ma prof pose un truc devant moi.
J'ai pas de cahier. Quoi faire. C'est une feuille de papier. La prof dit :
-         Dessinez un arbre.
J'attrape le crayon qu'a m'donne sans la regarder. Je fais un truc méchamment tordu dans un coin de a feuille.
-         C'est quoi, un arbre ?
Qué ce qui zon les tronches de cake à me mater grave. Zon jamais vu de grosse ou quoi.
Vise l'aut' avec ses yeux de boules de flipper et ses cheveux bien coiffés.
P'têt qu'elle lui plairait au tordu ? On ferait copine. J'la ramènerais à la thurne et ji dirais V'la d'la chair fraîche, vas-y, sers-ti, c'est gratos. Ça m'ferait des vacances.
Et merde !... Putain, c'est toujours pareil... Ousque t'es barée encore ? qu'elle dit ma mère.
J'y peux rien, j'fais pas exprès. Et vlan ! rien entendu de c'qu'elle a dit la robe violette en baskets.
J'étais sur d'écouter pourtant. Je comprends pu rien de quoi ça parle.
C'est à cause des trucs dans ma tête. Y a pu de place. Ça tourne trop vite. pareil que quand je suis monté sur ce putain de manège et que j'ai dégueulé en descendant. Ça tourne, ça tourne.
Quand ça tourne trop fort faut que je baffre. Y'a qu' ça qui me soulage. Ça arrête le tournis et les pensées. Y'a qu'ça qui me soulage. Manger.
Tu veux ma photo ? Fait gaffe à ta gueule si tu me mates encore.
Quand même : moi la grosse négresse, la négrasse, au premier rang de la classe. Putain !
Pas peur. Pas avoir peur sinon pisser. Et si tu pisses c'est la dérouillée. Pas avoir peur, pas pisser.
J'vais leur faire voir que Push elle s'est pas mis au premier rang pur des prunes.
Juste arrêter les pensées.
J'sais pas pourquoi j'l'ai à la bonne la robe violette en baskets. P'têt cause de sa gueule. Ou à cause de ses tifs même si ma mère peut pas piffer les nègres qui se coiffent comme ça. Allez Push arrête de penser des conneries, écoute plutôt.
Ah ouais, je sais ! A cause de cet lumière et de ces oiseaux qui m'vole des foies à travers le cœur. C'est quand même grasse à eux que j'ai eu les couilles de m'asseoir là.
Écoute les oiseaux chanter Push. Écoute-les.

L. B.

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