mercredi 23 mars 2011

UNE QUESTION DE REGARD





Ecrire deux textes à partir de cette photo :
1 - Ce paysage est apaisant
2 - Ce paysage est angoissant






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Retrouvailles avec un village de Provence (1)

Aucune perspective. Le village accroché à sa colline, derrière  une autre colline. Pas d’horizon. Pas de ciel. Juste un soleil écrasant. Pas moyen de rester dehors sous peine de suffoquer. Une chaleur à tout transformer en poussière, la végétation va se dessécher, se rabougrir au fil de l’été cuisant. Les maisons soigneusement closes sur leur fraicheur. C’est accueillant tous ces volets fermés ; fermés sur des histoires, des rancunes, des désespoirs. Seule l’église n’a pas de volet, sans doute pour mieux voir et sonder les âmes.
Qu’est-ce que je viens faire ici, à quoi bon ce retour au pays pour m’enfermer dans l’ombre en attendant l’heure de sortir prudemment une chaise pour profiter de la fraicheur du soir sous l’œil attentif de tout le voisinage.

Retrouvailles avec un village de Provence (2)

Quelle douceur, ces maisons blotties dans les plis de la terre.
Sous l’œil protecteur de l’église le village ronronne. J’ai hâte de parcourir les ruelles ombragées, de sentir les odeurs de cuisine qui s’échappent des portières de perles, de deviner derrière chaque volet clos la vie ralentie du milieu du jour.
Je guette les odeurs végétales libérées par le soleil.
Ivre de lumière et de chaleur j’attends l’heure où la fraicheur nous invite aux longues soirées de rire, de bavardages, de retrouvailles.

Françoise Bourdon

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Partie

Dans le village aux façades blanches, des brise-bise se soulèvent.
Elle passe.
Les regards se détournent, les chuchotis rentrent dans les gorges;
Elle sourit.
Elle traverse de petites places parfumées de cyprès, s'offre aux ruelles qui l'égarent gentiment.
Des maisons la saluent, éblouissantes sous le soleil cru.
Elle les contemple longuement, sans ciller.
Des odeurs la pénètrent. Elle ouvre les mains.
Les rideaux de tulle retombent.
Plénitude des choses. Choses qu'elle ne sait plus nommer.
Elle a tout quitté, tout laissé. Quitté qui ? Laissé quoi ?Elle fredonne.
Elle tourne sur elle-même en faisant virevolter sa jupe.
Elle a oublié jusqu'à son nom.


Le retour

Il en avait rêvé? Des années il s'était dit plus tard. Quand je serai dans le Sud. Il suffisait de serrer les dents et d'attendre. Le temps passera. C'était sa seule certitude.
Le temps a passé.
Il est sorti sans son pull. L'air est si doux, il fait si bon. Personne dans les rues. La lune se réfléchit sur les façades blanches.
Soudain, des voix dans sa tête. Des images brouillent sa vue. Les crocs du souvenir dans sa gorge.
Il se secoue. Une lente désolation traverse son regard. Il s'assied sur une margelle.
Des étoiles ruissellent sur son visage. Il se prend dans les bras. Il n'y a pas d'issue.
Demain, il rentre à Paris.

Bernadette Behava

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Dans village pittoresque... À saisir immédiatement

Elle avait tout de suite aimé ce petit village haut perché, caché, avec ses cyprès plantés droit comme des oriflammes.
Ils étaient arrivés en avance. C'était l'heure de la sieste. Le village dormait confit de chaleur.
Pas âme qui vive sauf un gros chat qui dormait lui aussi sur les marches de pierre de l'église et qui avait à peine entr'ouvert un œil à leur passage pour le refermer aussitôt dans une insolente indifférence.
La maison qu'ils venaient visiter était au pied de l'église. Elle aimait les églises. Les seuls endroits encore où l'on pouvait s'abreuver de silence. Elle y vit un heureux présage.
La maison semblait les attendre. Patiemment, tranquillement. Prenez votre temps, il fait trop chaud pour se presser. Je suis là depuis longtemps, n'ayez crainte, je vous attends. Ils avaient poussé la grille qui avait gémit. Elle non plus n'aimait pas être dérangée pendant sa sieste.
La cloche de l'église avait sonné trois heures. Encore une heure avant leur rendez-vous avec la jeune femme de l'agence. Ils avaient fait le tour de la maison et s'étaient assis dans le jardin, sous la tonnelle. Elle avait fermé les yeux. Quelque chose en elle avait murmuré. Tu es arrivée.

Une heure qu'on marche. Sous cette chaleur c''est du suicide. Je meurs de soif. Pas un troquet. Tout est fermé. Petit village pittoresque. Pittoresque! Désert. Pas un chat. Enfin si un seul. Et neurasthénique. Pas moyen de faire autrement. Qu'est-ce qu'on peut bien faire dans un trou pareil, pas question que je vienne m'enterrer là.
Ce silence... Et cette cloche... J'ai peur... Même la grille se plaint...
Jamais vu ce visage. Cet air extatique comme si elle avait trouvé le paradis.
Mais réveille-toi putain, réveille-toi ! Tu vois pas que c'est l'enfer ici qu'on va mourir crever à petit feu cramer sur place finir en cendres encore cette cloche... Pour qui sonne le glas? J'ai chaud, je suffoque, j'en peux plus, au secours, je veux m'en aller, m'en aller m'en aller m'en aller.


L. B.

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